29 April 2008

La pensée en Chine aujourd'hui


Avec toutes les âneries qu'on peut lire et entendre aujourd'hui [surtout aujourd'hui !] sur la Chine, la lecture de ce livre s'avère indispensable.
Le but avoué de ses auteurs (il y a plusieurs contributeurs, sous la direction d'Anne Cheng, auteur de la non moins indispensable Histoire de la pensée chinoise) est de tordre le cou aux délires sur l'altérité de la pensée chinoise et aux idées préconçues sur l'origine supposée de cette prétendue altérité : la « race » chinoise, la « langue idéographique » des Chinois, la « religion des Chinois », la philosophie et la science chinoises « figées depuis l'Antiquité », etc. etc.

Voici un extrait de l'introduction (par Anne Cheng), introduction qui situe immédiatement le propos de auteurs :

C'est un constat vérifié au quotidien qui est à l'origine de ce volume : celui d'un ensemble d'idées préconçues concernant la Chine qui prévalent encore en notre début du troisième millénaire, même — et, devrions-nous dire, surtout — parmi nos élites dites « éclairées » et qui, de fait,
remontent pour la plupart à l'Europe des Lumières. Pour la raison précise qu'elles sont nées et ont été soigneusement entretenues dans un milieu choisi, ces idées portent avant tout sur la manière de penser des Chinois, qui serait nécessairement différente de la nôtre, radicalement autre — qu'elle soit, au demeurant, envisagée d'un point de vue admiratif ou dépréciatif.

Au fil des trois derniers siècles qui ont vu s'élaborer et s'imposer la modernité occidentale, s'est construite, puis figée, l'image d'une Chine dotée d'une écriture idéographique, soumise à une tradition despotique et isolée du reste du monde pendant des siècles, ce qui expliquerait son immobilisme philosophique, politique et scientifique dont l'Occident serait opportunément venu la réveiller. Prenez tous ces poncifs et vous les retrouverez à coup sûr, sous des formes différentes et à des degrés divers de sophistication, dans bien des publications à succès. Ajoutons que ces dernières ne manquent pas d'exercer en retour une influence considérable sur la façon dont les élites chinoises envisagent leur propre culture, soit dans l'autodénigrement ou au contraire, depuis peu, dans une autocélébration confortée par un nationalisme de plus en plus triomphant.

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